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Grande scène samedi après-midi

Zebda? Ça veut dire beurre en arabe!

'BONJOUR, nous sommes Zebda, de TOULOUSE!' Tel est le cri de ralliement de ce groupe de la Ville rose, né dans les quartiers nord du côté des Minimes, un vieux quartier où les tours de béton ont peu à peu remplacé la 'brique rouge' chère à Claude Nougaro.

Zebda... Leur nom - beurre en arabe - se comprend comme un clin d'oeil à tous ceux qui prônent l'intégration, histoire de se donner bonne conscience. 'Intégrés, mais nous le sommes! Nous sommes nés, ici, en France.' Ce qu'ils ne se privent pas de rappeler dans quelques-unes de leurs chansons. Car les six musiciens et chanteurs du groupe, minots et minorités pour la moitié d'entre eux, se passent de tout discours misérabiliste.

Zebda, plus qu'un groupe, une véritable entité qui, à l'image d'une ville qui a su accueillir des enfants d'origine espagnole, portugaise ou maghrébine, pratique une musique colorée, métissée, joyeuse. Le groupe a trouvé sa raison d'être il y a quelques années, choisissant de s'investir dans ce quartier qui les a vus grandir, auprès des enfants pour organiser aussi bien du soutien scolaire que des animations vidéo, des ateliers théâtre ou danse. C'est là que Majyd, Joël, Hakim, Mustapha ou encore Pascal se sont rencontrés. Majyd avait des mots qui lui trottaient dans la tête, des mots pour dénoncer le mal-être, mais aussi le bonheur de se retrouver ensemble, même quand tout foire et que l'avenir n'est pas drôle. Joël, lui, était plutôt musicien. Et depuis peu dans le groupe, chacun y met son grain de sel.

Alors les sonorités se font colorées, piochent çà et là dans les rythmes africains, arabo-andalous, rock, musette ou ragga. Difficile de leur coller une quelconque étiquette: cela tient d'un heureux mélange entre un ragga funky, quelques pointes de rap, le tout saupoudré de sonorités orientales.

'C'est parce que nous savons d'où nous venons que nous savons qui nous sommes et ce que nous voulons.' Ils ont les idées très claires sur ce qui ne tourne pas rond, savent pertinemment que le racisme se développe sur le terreau du chômage, le rappelant fort justement dans une de leurs chansons: 'De tous les côtés, chômage / De tous les côtés, dommage / Je donne pour les restos / Je donne pour les ghettos (...) Donner pour donner / C'est pas tout à fait ma devise / Je donne pas, j'investis dans la solidarité (...)'; dénoncent la bête immonde, toujours là; et rêvent de cassoulet à l'harissa. Ça, c'est typiquement eux.

Et il est une de leurs chansons, 'le Bruit et l'Odeur' (du nom de leur dernier album), qui mieux qu'un long discours vous rappelle à quelque mauvais souvenir pas si lointain. Le discours d'un candidat nommé Chirac, en pleine campagne de la présidentielle, et qui a trouvé un écho dans l'attitude 'humaine' de ce gouvernement lors de l'affaire des sans-papiers de Saint-Bernard. Un discours enregistré, qu'aucun membre du groupe n'avait oublié et qui vient en conclusion de cette chanson, comme un avertissement. Voilà donc ce que disait le candidat: 'Imaginez un travailleur français qui vit avec sa femme, et qui voit sur le palier de son HLM, entassés, une famille avec un père, trois ou quatre épouses et une vingtaine de gosses, qui gagne 50.000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler. Ajoutez à cela le bruit, et l'odeur. Eh bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et ce n'est pas être raciste que de dire cela.' Tiens donc, et c'est quoi, alors?

Alors Zebda, c'est un peu de cette Méditerranée qui bouillonne dans leur coeur et dans leur tête, une grande dignité et un sens de la fête qui, samedi, prendra toute sa dimension. Danser au son de leur musique, une façon originale de clouer le bec à tous ceux qui rêvent d'une France 'propre'.

ZOE LIN.


Page réalisée par Intern@tif - Dimanche 5 Janvier 1997